Le chiffre donne le tournis, l'ampleur du défi aussi. Mercredi, à Bruxelles, la Commission européenne a présenté son projet « Global Gateway » (« Portail mondial »), un plan visant à mobiliser sur six ans 300 milliards d'euros de fonds publics et privés, pour financer des projets d'infrastructure de l'Union européenne dans le reste du monde. L'enjeu de ce vaste projet d'aide au développement est autant économique que géopolitique. Le Dico du Commerce International vous invite à la découverte d’un projet pharaonique dont la motivation vient de Chine.
Concurrencer les Nouvelle Routes de la Soie…
En repensant la manière dont elle est connectée au monde, l'Europe aspire à renforcer son poids et son autonomie dans le concert des nations . L'objectif est clair : concurrencer le projet des nouvelles routes de la soie chinoises (« Belt and Road Initiative »), lancé en 2013 et dans lequel Pékin a déjà engagé plus de 124 milliards d'euros d'investissements, selon ses données officielles.
« Nous sommes très bons pour financer des routes. Mais cela n'a pas de sens que l'Europe construise une route parfaite entre une mine de cuivre sous propriété chinoise et un port également sous propriété chinoise. Nous devons nous montrer plus intelligents pour ces types d'investissements », avait expliqué la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son discours sur l'Etat de l'Union en septembre.
Combler son retard
L'Europe veut rattraper son retard et offrir aux pays pauvres une alternative à cet outil d'influence de la Chine. Les Occidentaux l'accusent de pousser les pays émergents au surendettement, d'entretenir la corruption et de ne pas respecter les droits humains et environnementaux dans les projets qu'elle finance, le tout sur fond de visée expansionniste.
Point de cela avec l'UE, promet Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. « Nous voulons des projets qui soient mis en oeuvre avec un haut niveau de transparence, de bonne gouvernance et de qualité », a-t-elle insisté mercredi devant la presse.
L'Europe, poursuit-elle, veut montrer qu'une « approche guidée par la démocratie et ses valeurs peut donner des résultats » et offrira à ses partenaires des « conditions justes et favorables afin de limiter le risque de surendettement ». « Nous voulons créer des liens, pas des dépendances », a insisté Ursula von der Leyen, deux ans jour pour jour après sa prise de fonction.
Climat et transport
Le plan ciblera en priorité les investissements dans le numérique, la santé, le climat, l'énergie, les transports et l'éducation. L'UE veut s'appuyer sur cette initiative pour maintenir son leadership mondial en matière de normes industrielles et exporter ses ambitions climatiques en promouvant aussi hors de ses frontières des infrastructures plus vertes.
Selon des estimations du G20, le déficit d'investissement dans les infrastructures au niveau mondial pourrait atteindre 13.000 milliards d'euros d'ici à 2040. L'UE explique vouloir apporter « une solution européenne aux besoins urgents de développement, qui prend en compte à la fois les besoins de ses partenaires et ses intérêts propres ».
Les financements, programmés de 2022 à 2027, proviendront pour une petite moitié (135 milliards d'euros) du Fonds européen pour le développement durable (EFSD). La Banque européenne d'investissement (BEI) devrait également participer, à hauteur d'une vingtaine de milliards d'euros, et Bruxelles compte sur 145 milliards d'euros d'investissement provenant des Etats membres, d'institutions financières et de banques multilatérales de développement.
Cette stratégie européenne s'articule avec un plan des pays du G7, présenté en juin, pour offrir aux pays en développement une alternative aux nouvelles routes de la soie.